«C’est évident que l’humanité s’apprête au XXIe siècle à vivre un mauvais quart d’heure. Et il va durer longtemps. Mais ce sera l’occasion, comme nous le vivons maintenant je dirais à dose homéopathique avec cette pandémie, de se découvrir des dispositions, des talents, des forces, de s’investir dans des activités qui ont tout à coup du sens. Ce sera l’occasion aussi de s’engager dans l’organisation et l’élaboration d’un monde qui nous ressemble si on résiste à la tentation du fascisme – parce que c’est un gros problème, ça, quand on est dans des transitions historiques. C’est une chance qui nous est donnée dans l’histoire de quitter un régime qui est inique et qui est triste. Voir cet avenir d’une manière lucide en sachant que le capitalisme ne remplira pas ses conditions de possibilité dans un avenir proche, qu’il n’y aura pas à tout jamais du pétrole abondant et abordable, des mines en quantité, un écosystème prêt à encaisser tout ce qu’on lui fait subir, comme on le fait maintenant. Lorsque ça ne tiendra plus, forcément, nous vivrons des moments très durs. On peut d’ores et déjà travailler à ce qu’ils le soient le moins possible. Mais voir lucidement cet avenir-là d’une manière strictement angoissée et inquiète n’apporte rien. C’est stérile. Rester dans la joie sans faire preuve de cette lucidité minimale est aussi stérile. Ce qui est beaucoup plus engageant et fécond, c’est un rapport lucide à cet avenir en tant qu’il sera aussi l’occasion puissante de manifestations de joie, de fierté et de sens beaucoup plus grandes que ce qu’on connaît maintenant dans notre ronron quotidien fonctionnaliste et soumis».